Depuis plusieurs années, la Commission Nationale de Contrôle de la Protection des Données à Caractère Personnel (CNDP) joue un rôle essentiel dans la régulation de l’utilisation des données personnelles au Maroc, notamment dans le cadre de l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les processus RH. Sous la présidence d’Omar SEGHROUCHNI, la CNDP s’assure que les traitements de données respectent les droits fondamentaux des citoyens, tout en accompagnant les entreprises dans leur transformation numérique. Avec une expertise en gouvernance des systèmes d’information et une vision centrée sur la transparence et l’éthique, Omar SEGHROUCHNI dirige les efforts de la CNDP pour encadrer l’utilisation de l’IA, garantissant ainsi la protection des données personnelles des salariés et des candidats.
Dans cet entretien, Omar SEGHROUCHNI aborde les défis posés par l’intelligence artificielle dans les ressources humaines, notamment la collecte, le traitement et la conservation des données à caractère personnel. Il met en lumière les bonnes pratiques que les entreprises doivent adopter pour rester en conformité avec la loi marocaine, tout en soulignant les enjeux éthiques et les nouvelles responsabilités des professionnels RH. À travers l’exemple de la réglementation marocaine et les perspectives d’avenir, cet entretien explore comment l’IA peut à la fois optimiser les processus tout en respectant les droits des individus.
Quels sont les principaux risques liés à l’utilisation de l’IA dans les processus RH en termes de protection des données personnelles des salariés et des candidats ?
Omar SEGHROUCHNI : Les exigences pour les traitements IA concernant les données à caractère personnel sont les mêmes que pour tout traitement. Au centre de la problématique vous avez toujours le citoyen, donc le salarié et le candidat, leurs vies privées et donc leurs données à caractère personnel.
Les traitements IA accroissent la possibilité, la plupart du temps bénéfique, de proposer des résultats fins et construits de façon complexe à partir de données multiples. Mais il arrive que ce contexte ne soit pas respecté.
Il faut être en mesure d’avoir la possibilité de recours si l’humain remet en cause la décision automatique.
La multiplicité à venir des décisions automatiques ne doit pas nous faire oublier que nous sommes des êtres humains. L’intelligence artificielle doit augmenter notre intelligence et non pas la réduire.
Comment la réglementation marocaine en matière de protection des données personnelles encadre-t-elle l’utilisation des outils d’IA dans le recrutement et la gestion des ressources humaines ?
Omar SEGHROUCHNI : Comme déjà dit, le traitement IA sur les données à caractère personnel est un traitement comme les autres. Le cadre légal marocain est bien outillé pour statuer sur la licéité ou non de ce type de traitement, même si les travaux de refonte en cours de la loi 09-08 actuelle proposeront des précisions et des exigences complémentaires. Mais nous avons déjà de quoi faire avec ce qui existe.
Quelles bonnes pratiques recommandez-vous aux entreprises pour garantir la conformité de leurs systèmes RH utilisant l’IA avec les normes de protection des données ?
Omar SEGHROUCHNI : Comme pour tout traitement de données à caractère personnel, respecter le citoyen et sa vie privée, respecter la loi 09-08, soit entre autres :
- Annoncer explicitement la finalité du traitement.
- Ne collecter que les données à caractère personnel vraiment utiles.
- Informer la citoyenne ou le citoyen.
- N’autoriser l’accès aux données à caractère personnel qu’aux concernés.
- Sécuriser le traitement.
- Détruire ces données à caractère personnel une fois que l’usage et la loi le permettent.
Dans quelle mesure les employeurs doivent-ils informer les salariés de l’utilisation d’algorithmes d’IA dans les décisions liées à la gestion du personnel (recrutement, évaluations, promotions) ?
Omar SEGHROUCHNI : Ils doivent le faire dans tous les cas. Les traitements de données à caractère personnel ne doivent pas se faire à l’insu et dans le dos du citoyen qu’il soit salarié, candidat ou autre. Il faut être transparent et prêt à vérifier « humainement » tout résultat.
Comment la CNDP prévoit-elle de suivre et de réguler l’évolution des technologies d’IA dans le domaine des ressources humaines afin de garantir un usage éthique et conforme aux droits des employés ?
Omar SEGHROUCHNI : Ce travail sera fait comme pour tout traitement de données à caractère personnel. La loi s’applique de la même manière. La CNDP devra renforcer les compétences de ses cadres afin de pouvoir mieux appréhender ce paradigme particulier et vérifier des éléments liés à la transparence, l’intégrité, la loyauté, la fiabilité et la lisibilité de ces traitements de données à caractère personnel. Nous invitons toute personne ayant un doute, ou entrant dans un litige, à nous saisir en déposant une plainte que nous traiterons, de prime abord à l’amiable, et si nécessaire, en sollicitant l’intervention du Ministère Public.