Le marché du travail marocain est en pleine transformation face à l’émergence rapide de l’intelligence artificielle (IA). Selon le rapport intitulé Politiques Actives du Marché du Travail au Maroc : Bilan des Programmes Phares, Défis et Perspectives, rédigé par Aomar Ibourk et Tayeb Ghazi, cette technologie, bien qu’elle suscite des craintes concernant la perte d’emplois, représente également une opportunité d’enrichir et d’améliorer les postes existants. Ce rapport analyse les politiques du marché du travail marocain, met en lumière les défis que doit relever le pays et propose des recommandations pour une meilleure adaptation à cette révolution technologique. Voici un aperçu des principaux enjeux soulevés dans ce document de référence.
L’intelligence artificielle et le marché du travail : entre crainte et opportunité
L’intelligence artificielle, à travers le monde, redéfinit progressivement les marchés du travail. Le rapport estime que près de 40 % des emplois mondiaux pourraient être touchés par l’IA. Cependant, contrairement aux idées reçues, la technologie a aussi le potentiel d’augmenter et de transformer positivement de nombreux emplois, notamment en automatisant des tâches répétitives, permettant ainsi aux travailleurs de se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée. Le Maroc, comme beaucoup d’autres nations, se trouve à la croisée des chemins, avec la nécessité de s’adapter rapidement pour éviter que certains segments de la population ne soient laissés pour compte.
Les quatre prochaines années seront cruciales, car près de 44 % des compétences actuelles requises par les entreprises subiront des transformations importantes d’ici 2027. Ce constat place une pression énorme sur le système éducatif et de formation du Maroc, qui devra évoluer pour répondre aux nouveaux besoins du marché du travail.
Les fondements d’une révolution technologique : infrastructure et capital humain
L’un des principaux défis mis en avant par le rapport concerne l’infrastructure numérique et le développement du capital humain. Bien que le Maroc ait réalisé des progrès considérables en matière d’accès à Internet, passant de moins de 1 % de la population connectée en 2000 à près de 88 % en 2021, des lacunes persistent dans certains domaines clés. Par exemple, le pays compte encore peu de serveurs sécurisés pour soutenir un écosystème numérique robuste. De plus, l’accessibilité financière à Internet, notamment pour les services à haut débit, reste un défi important, en particulier dans les zones rurales.
Sur le plan du capital humain, le Maroc doit également relever des défis considérables. Avec un indice de capital humain de 0,5, le pays se situe en dessous de la médiane mondiale, soulignant la nécessité d’une réforme du système éducatif. Selon le rapport, 66 % des enfants de 10 ans ont des difficultés à apprendre, et plus de 70 % des élèves de 15 ans ne maîtrisent pas les compétences minimales pour la vie adulte. L’accès limité aux outils numériques dans les écoles est également problématique : seulement 41 % des écoles sont équipées de projecteurs et à peine 22 % les utilisent.
Ces faiblesses dans l’infrastructure éducative et numérique freinent la distribution équitable des compétences liées aux technologies de l’information et de la communication (TIC). Le rapport met en lumière des disparités significatives dans les compétences numériques des jeunes et des adultes, des compétences aussi essentielles que la programmation informatique ou la vérification de la fiabilité des informations en ligne étant particulièrement faibles.
Politiques du marché du travail : flexibilité et réformes nécessaires
Outre les enjeux liés à l’éducation et à l’infrastructure numérique, le marché du travail marocain se heurte à d’autres obstacles. Le rapport souligne notamment la rigidité du marché du travail, qui entrave la réaffectation rapide de la main-d’œuvre. Les lois sur la protection de l’emploi, le salaire minimum et les heures de travail, bien qu’elles aient été mises en place pour protéger les travailleurs, peuvent parfois limiter la flexibilité des entreprises en matière d’embauche et de licenciement. Le rapport met également en avant la faiblesse des services d’intermédiation, qui freinent l’accès à l’emploi, en particulier pour les jeunes, les femmes et les populations rurales.
Dans ce contexte, l’ANAPEC joue un rôle essentiel en offrant des services d’intermédiation, mais des améliorations restent nécessaires. Des programmes tels que Taehil et Idmaj ont été mis en place pour faciliter l’insertion professionnelle, mais la couverture géographique et démographique est encore insuffisante.
Le Maroc a néanmoins réalisé des progrès notables dans l’amélioration de la flexisécurité, un mécanisme crucial pour accompagner les transitions professionnelles. Le pays a adopté des réformes importantes, notamment l’introduction de nouveaux types de contrats de travail plus souples, tels que les contrats à durée déterminée et temporaires. Par ailleurs, la création d’un régime d’indemnisation du chômage et le lancement de la couverture médicale universelle sont des avancées significatives. Cependant, des défis demeurent, notamment dans l’efficacité de la mise en œuvre de ces réformes.
Recommandations : construire l’avenir du travail au Maroc
Pour permettre au Maroc de naviguer avec succès dans l’ère de l’intelligence artificielle, le rapport formule plusieurs recommandations. Tout d’abord, il est essentiel de consolider les infrastructures numériques et de renforcer la sécurité en ligne, un prérequis indispensable pour l’adoption de l’IA à grande échelle. Ensuite, il faut repenser l’éducation et la formation, avec une attention particulière à la distribution équitable des compétences numériques et à la formation tout au long de la vie.
Sur le plan des politiques du travail, il est nécessaire d’assouplir certaines lois pour favoriser une plus grande flexibilité, tout en maintenant des protections adéquates pour les travailleurs. L’amélioration des services d’intermédiation et le renforcement des systèmes d’information sur le marché du travail sont également prioritaires pour mieux aligner l’offre et la demande de compétences.
Le rapport insiste sur l’importance du dialogue social pour garantir une transition harmonieuse vers l’ère de l’IA. Les partenaires sociaux doivent être pleinement impliqués dans le processus décisionnel concernant l’adoption de l’IA, afin de garantir que cette transition soit inclusive et profite à l’ensemble de la société.
Pour télécharger le rapport complet, cliquez ici : Naviguer dans l’ère de l’intelligence artificielle : perspectives pour la gouvernance du marché du travail marocain.