Les talents nés après 1995, ces digital natives regroupés sous la bannière de la génération Z, forment un vivier de compétences qui redessine progressivement la vision du travail au Maroc. Contrairement à certains clichés, ils ne rêvent pas tous de créer leur propre start-up. Bien au contraire, la majorité se tourne de plus en plus vers de grands groupes capables de proposer autonomie, apprentissage continu et innovation. Loin de rejeter l’esprit entrepreneurial, beaucoup privilégient l’intrapreneuriat, cherchant à innover au sein des organisations sans en assumer seuls tous les risques. Cette tendance interroge la manière dont les entreprises peuvent s’adapter à leur quête permanente de sens et de renouvellement.
Fini le mythe de la start-up ?
La génération Z succède à la génération Y, dont l’esprit entrepreneurial a longtemps été mis en avant. De récentes études montrent toutefois que cette passion pour la création d’entreprise ne se vérifie plus autant chez les plus jeunes : moins de 10 % des membres de la génération Z interrogés envisagent concrètement de lancer leur propre start-up dans un futur proche. Ce constat peut surprendre, mais il s’explique par le fait que ces digital natives recherchent un cadre sécurisant qui leur permette de déployer leur créativité sans supporter seuls tous les risques liés à l’entrepreneuriat.
De l’entrepreneuriat à l’intrapreneuriat
Plutôt que de tout plaquer pour monter une structure ex nihilo, nombre de jeunes talents préfèrent cultiver une fibre entrepreneuriale au sein même des organisations. Cette démarche prend le nom d’« intrapreneuriat » : il s’agit de lancer des projets novateurs, de développer de nouveaux produits ou services, tout en bénéficiant des ressources et des soutiens d’un grand groupe. Dans ce contexte, l’entreprise devient un laboratoire d’idées, où les collaborateurs les plus audacieux peuvent expérimenter tout en conservant une certaine stabilité.
Renouveler sans cesse ses compétences
L’intrapreneuriat fait écho à la soif d’apprentissage continu qui caractérise la génération Z. Au Maroc, comme ailleurs, ces jeunes professionnels expriment un fort appétit pour la formation, la polyvalence et la montée en compétences. Les plus « slashers » n’hésitent pas à cumuler plusieurs activités ou missions pour explorer divers domaines. Cette volonté de se réinventer régulièrement constitue un sérieux défi pour les entreprises habituées à des trajectoires plus linéaires : il leur faut désormais mettre en place des parcours internes flexibles et offrir des possibilités concrètes d’évolution pour répondre à ces aspirations.
La quête de sens et d’autonomie
Dans l’univers professionnel, le rapport à l’autorité et aux hiérarchies traditionnelles ne séduit plus autant la génération Z, qui recherche un mode de management plus agile. Les responsables deviennent des coachs ou des mentors, plutôt que des chefs stricts. Les canaux de communication internes, axés sur le dialogue et le feedback continu, prennent davantage d’importance. Cela implique, pour les entreprises marocaines, de revisiter leurs pratiques managériales afin de laisser plus de latitude aux collaborateurs. Qu’il s’agisse de proposer des horaires modulables, du télétravail ou des ateliers de créativité, l’objectif reste le même : offrir à ces jeunes la possibilité de s’autonomiser.
Comment attirer les Z dans les grands groupes ?
Les plus grandes structures ne sont plus perçues comme des mastodontes figés, du moins quand elles mettent en place des programmes d’intrapreneuriat. Les initiatives les plus abouties prévoient :
- Un appel à projets régulier : Les collaborateurs sont invités à soumettre des idées et à les défendre devant un comité interne.
- Un accompagnement concret : Un budget, un mentor ou un coach, ainsi qu’une équipe dédiée.
- Une reconnaissance officielle : Les idées retenues sont valorisées, financées et, si elles réussissent, intégrées dans la stratégie globale de l’entreprise.
Ce schéma permet aux jeunes talents de s’investir pleinement sans risquer l’échec financier personnel qu’implique la création d’une entreprise. Les groupes qui adoptent ces démarches se dotent d’une capacité d’innovation plus grande et gagnent en attractivité sur le marché de l’emploi.
Fidélisation : la force d’un management participatif
Cette envie d’initiative ne signifie pas que la génération Z est allergique à la notion de loyauté. Au contraire, lorsqu’elle trouve un environnement épanouissant, cette génération s’investit pleinement. Les leviers de fidélisation évoluent toutefois : salaire compétitif et promesses de carrière ne suffisent plus. Pour retenir ces profils, les départements RH doivent offrir un climat propice au développement personnel, valoriser les « soft skills » et mettre en avant la culture d’entreprise.
Le management participatif est un facteur clé : considérer chaque membre de l’équipe comme un acteur de la transformation, encourager la prise de parole, instaurer des rituels de feedback. Cette génération n’attend pas l’entretien annuel pour obtenir une évaluation ; elle souhaite un retour constructif quasi continu, afin de progresser et de renforcer son sentiment d’appartenance.
Un atout majeur pour les entreprises marocaines
Les groupes qui réussissent à marier intrapreneuriat et management agile constatent souvent une baisse du taux de rotation et une hausse de la performance. Les jeunes collaborateurs, bien encadrés, trouvent alors la possibilité de déployer leur créativité et de se former en interne, tandis que l’entreprise bénéficie d’idées fraîches et d’une motivation accrue. C’est un cercle vertueux : plus les initiatives sont soutenues, plus elles suscitent d’engagement, et plus les innovations fleurissent.
Recommandations pour les DRH
- Mettre en place des « labs » ou incubateurs internes : Offrir un espace de prototypage et d’expérimentation, avec des moyens dédiés.
- Instaurer une politique de mobilité interne agile : Faciliter le passage d’une mission à une autre, selon l’évolution des compétences et des centres d’intérêt.
- Encourager la formation continue : Miser sur l’apprentissage hybride (en présentiel et en ligne), afin que chaque collaborateur puisse monter en compétences à son rythme.
- Valoriser la réussite comme l’échec : Considérer l’échec non comme un frein, mais comme une étape d’apprentissage, dans une logique de test & learn.
Finalement, la génération Z, loin de se désintéresser de l’entreprise, redéfinit les règles du jeu en insistant sur l’autonomie, la flexibilité et l’innovation. L’intrapreneuriat se présente comme une solution particulièrement adaptée à ces aspirations. Et si les entreprises marocaines voient dans cette dynamique un moyen de cultiver la créativité de leurs jeunes recrues, elles donneront à cette nouvelle génération les clés pour bâtir, ensemble, l’avenir du tissu économique national.