Le taux de turnover est en nette augmentation. La recherche constante de sens au travail, issue d’aspirations (et de prises de conscience) de plus en plus profondes des professionnels, en est l’une des principales causes. Nous sommes loin de l’époque où il suffisait d’avoir bon boulot, bon salaire, bonne maison, famille, chat ou chien, voyage à Agadir, en Espagne ou en Turquie, pour arriver à la conclusion : j’ai réussi dans la vie. Réussir dans la vie, aujourd’hui, commence de plus en plus à signifier que notre métier a signification pour nous. Non pas que l’on s’y sent chez soi, mais que l’on s’y sent soi. Mais… qu’est-ce qui se passe ?
Il y a à peine une dizaine année, la logique ambiante voulait que l’on soit heureux d’avoir trouvé un emploi dans une entreprise stable (c’est-à-dire qui ne semble pas risquer la faillite). On s’y accrochait, alors, à ce travail, comme si notre vie en dépendait. Et même aujourd’hui la fonction publique, de par ses alléchantes possibilités de stabilité (et de paresse –c’est l’idée qu’on s’en fait !) ainsi que par l’inébranlabilité de ses systèmes de promotion, reste très recherchée, car synonyme de : plus de souci à se faire, et inutile d’avoir peur de contracter des crédits auto et immo. Mais il est aussi vrai qu’elle l’est un peu moins car le privé joue la carte des bons salaires, et de l’indifférence quasi-totale dans la reconnaissance entre diplômes du public et du privé. Mais c’est un autre sujet. Bref, en ce qui concerne le nôtre, un constat est clair : pour les employeurs, autant publics que privés, les choses se mettent à nouveau à changer.
La mondialisation et les réseaux sociaux, ainsi que la presse et documentaires, ont dévoilé aux professionnels de tous secteurs plusieurs choses, des informations, qui ont engendré une conscientisation à plusieurs niveaux d’impact sur les esprits des gens. Cette conscientisation se résume ainsi : on peut faire un travail où on est heureux, et on peut même tout sacrifier pour essayer de faire ce qu’on aime. Comment cela s’est-il produit ? Un documentaire parlant de jacuzzi et de voyages en jet offerts par le patron, un médecin qui quitte son emploi dans le meilleur hôpital en Allemagne pour devenir dresseur de chiens ou rejoindre Médecins sans frontière, des blogueurs et des podcasteurs qui semblent s’amuser comme des fous (même en étant diplômés de Cambridge ou de Normal sup), un haut cadre de France Télécom’ qui lance une entreprise de conseils (une agence qui marche !)… C’est, en effet, à vous donner des idées. Et c’est tant mieux… Le savoir est un contrepouvoir.
En résumé :
Le salarié commence à se poser trop de questions existentielles, sur le bonheur, les choix, la liberté, les désirs et ce qu’on peut leur sacrifier, et généralement sur le sens de la vie… Et comme pour lui le travail impacte sa vie, alors il faut que le travail également ait un sens. Sinon, dans certains cas, c’est littéralement : reconversion ! Bien entendu nous ne sommes pas encore dans un changement si radical, de manière très notable, pas totalement du moins, car il faut une certaine dose de courage –peut-être même d’inconscience, mais ce qui est sûr c’est que quitter une entreprise pour une autre du même secteur se fait aujourd’hui avec une aisance inimaginable (sur LinkedIn : « Bonjour, votre salaire ? », « X !», «Je vous donne 2.000 de plus ! », « Tope-là ! »). Alors qu’avant, en le faisant, les gens semblaient risquer –pardonnez cette image-, en changeant d’emploi les gens semblaient risquer l’arrêt cardiaque. Ainsi que les critiques acerbes de l’entourage, cela va de soi. Cette ère est, aujourd’hui, quasiment révolue ! Sauf peut-être, et c’est à souligner, pour quelqu’un qui quitte le public pour le privé… Ah, celui-là ne sera tout de même pas raté.
Mais qu’est donc le sens au travail ?
Des goûts et des couleurs… Pour chacun, le sens au travail est unique. Et peut-être même changeant. Mais si on prend un seul instant T, on entend de tout ! cela peut être le meilleur salaire qui soit, ou l’entreprise la moins contradictoire, la moins hypocrite, ou encore celle où on peut travailler le plus librement sans surveillance autre que les résultats, parfois c’est souvent faire un métier utile à la société ou encore un qui soit créatif, certains idéalisent des métiers, comme ceux du zoo ou des aquariums ou alors la cuisine, on parle encore de travail non stressant ou d’autres qui dessinent des limites claires entre vie professionnelle et vie privée… Bref, les rêves d’enfance resurgissent, ainsi que ce qu’on voit à la télé et dans les réseaux sociaux, ce dont on parle dans les cafés et les forums… ce que l’on sait qui existe.
Parler de rêves d’ailleurs n’est pas vain. Car cette manière de penser, cette projection dans une vie future idéalisée, cette obsession qui grandit, est celle d’un arbre qui, très souvent, ne se révèle pas être ce que l’on imaginait, ou alors apporte-il d’autres fruits qui, eux, ne nous plaisent pas du tout, alors qu’on a déjà franchi le pas. Ce sont des choses qu’on voit : travailler dans une entreprise et souffrir de la ville ou du pays où elle est située, trouver avec exactitude ce qu’on voyait à la télé et trouver ce qu’on a oublié de filmer –et qu’on aurait dû filmer, être libre mais amèrement regretter la proximité des collègues et cette motivation qu’ils donnent, travail noble acquis mais difficultés incommensurables dans le pack… Le sens qu’on cherchait change encore et le bonheur désiré est remplacé par le regret.
Cette quête de sens au travail doit donc être étudiée !
Et c’est au « millimètre » qu’il faut le faire. Avec un réalisme comme jamais vous n’en avez fait preuve. Car parfois, dans le cas notamment des reconversions professionnelles, c’est tout un autre monde, un monde inconnu (un monde, il faut y être pour le connaître), nécessitant très souvent de nouvelles études et formations. Cela rappelle les fameux mariages à Las Vegas sous l’effet de l’abus d’alcool…
Et même sans reconversion professionnelle, en ne faisant que changer d’entreprise, par exemple, en quête de plus de sens au travail, il faut aussi penser à tout : de un, il serait dur, voir impossible, d’y retourner, si on regrette. De deux, dix milles choses existent dans une autre entreprise, et pas seulement celles auxquelles on a pensées, et ce sont des observations que l’on fait les premiers mois : il y a un manager harceleur fiché par les ladies de la boite (en silence), le patron est ainsi ou comme ça (et c’est énervant ou stressant), le travail est plutôt ceci que cela, et à la longue c’est fatiguant, les embouteillages pour arriver donnent des envies de suicide, le système d’évolution laisse à désirer, les sourires du début ont disparu, ou alors étaient-ils factices, nulle part où manger ou boire un café à côté, je ne m’y sens pas bien, je n’ai d’atomes crochus avec personne et on me met à l’écart, c’est trop froid, trop chaud, trop tiède… ! Une entreprise aussi c’est tout un monde. Et elle peut convenir à X et ne pas convenir à Y, les gens oublient trop souvent cette réalité en prenant les avis des autres pour leurs propres futurs avis.
Bien sûr ça peut marcher. Mais bien sûr, et c’est le propos de cet article, ça peut aussi ne pas marcher, et même ne pas marcher du tout, de tout risquer pour chercher un sens au travail… Donc, avant de se jeter dans l’inconnu, il convient de démystifier l’inconnu et, si on ne peut pas, de démystifier les implications, en cas de regret. Ce n’est que là qu’on sait si on est, vraiment, prêt. Et une petite question se pose même quand on répond par « oui », et la voici : le parfait existe-il ? Et cette question en présuppose une autre : pour quel « imparfait » opter ?
Méthode :
Avant de savoir quoi faire, il convient finalement de se connaître. Qu’est-ce qui est susceptible de nous impacter ? Et qu’est-ce qui est susceptible de nous impacter plus que ce qui nous impacte déjà et qui nous donne cette envie de changer et de risquer le tout pour le tout ? Sans cette réponse, ce ne sera jamais qu’un mariage à Las Vegas avec une personne qui par hasard se trouvait juste à côté au bar. Connais-toi toi-même, disait Socrate. C’est nécessaire pour savoir si quête de sens est nécessaire et, bien sûr, pour laquelle opter. Car travailler dans un zoo c’est aussi nettoyer les cages et guérir les serpents et les guépards, ou assister ceux qui guérissent (souvent on se blesse ou on tourne de l’œil). Et travailler dans une cuisine c’est la chaleur, les odeurs, les innombrables heures de travail, l’urgence, le client insatisfait… Ça a l’air cool ?!
On ne filme pas tout… Et on ne dit pas tout… Et, parfois, on ne sait même pas tout… Sans oublier que tout change, et donc même la destination où on veut aller. Et celle qu’on quitte… Et qui sait si à la quête d’un sens qu’on n’avait pas on n’en perd pas un qu’on avait acquis, et dont on ne se rendait même pas compte de l’existence. L’humain est complexe, ne jamais l’oublier. Il n’a pas besoin d’une seule vitamine, ou de deux ou trois minéraux. C’est de tout ce dont il a besoin qu’il a besoin. Sans vitamine C, c’est le scorbut assuré.
Qu’avez-vous donc et que vous perdrez ? Y pensez-vous ? L’avez-vous défini ? Chercher un sens au travail n’est le plus souvent qu’en chercher un nouveau. Et sacrifier les acquis, dont on ne se rendait même pas compte de l’importance…