La loi 97.15, récemment adoptée, vient encadrer de manière stricte l’exercice du droit de grève au Maroc. Si ce droit est inscrit dans la Constitution, la nouvelle réglementation vise à structurer son exercice tout en préservant la continuité des activités économiques et des services essentiels.
Pour les DRH et les employeurs, il est essentiel de connaître les droits et obligations des salariés grévistes afin d’éviter des conflits sociaux prolongés et de garantir le respect des nouvelles règles. Cet article propose un décryptage des principales dispositions de la loi 97.15 pour mieux encadrer le dialogue social.
Qui peut appeler à la grève et dans quelles conditions ?
L’article 2 de la loi 97.15 définit la grève comme une cessation temporaire, totale ou partielle, du travail exercée collectivement par des travailleurs pour défendre un intérêt professionnel, économique ou social.
L’article 3 précise que l’appel à la grève peut être lancé par une organisation syndicale représentative au niveau national ou sectoriel, une organisation syndicale au sein d’une entreprise ou d’un service public, un comité de grève sous certaines conditions (article 12) ou encore une organisation syndicale représentant les travailleurs indépendants ou domestiques.
Les travailleurs ne peuvent pas se déclarer en grève de manière individuelle ou spontanée sans passer par une entité reconnue.
L’article 14 impose aux syndicats ou au comité de grève d’informer l’employeur et les autorités compétentes (Wali, Gouverneur, ministère concerné). Le délai de préavis est fixé à 15 jours dans le secteur privé et 45 jours dans le secteur public avant le déclenchement d’une grève (article 13). De plus, la notification doit inclure les motifs de la grève, les lieux concernés et le calendrier prévisionnel (article 15).
Une grève non conforme à ces règles est considérée comme illégale, et les salariés concernés risquent des sanctions. Les DRH doivent donc s’assurer du respect de ces procédures avant de prendre toute mesure.
Les limites du droit de grève : interdictions et restrictions
L’article 22 de la loi 97.15 restreint l’exercice du droit de grève pour certaines professions stratégiques. Les militaires, forces de l’ordre et policiers, magistrats et agents de l’administration pénitentiaire, diplomates et agents des services de renseignement ainsi que les fonctionnaires des ministères de l’Intérieur et de la Défense nationale ne peuvent pas exercer ce droit.
De plus, les salariés affectés à un service minimum obligatoire, notamment dans les hôpitaux, les transports ou les télécommunications, doivent assurer leurs missions même en période de grève.
Les articles 7 et 9 interdisent aux grévistes certains comportements, tels que bloquer l’accès aux lieux de travail, empêcher les non-grévistes de travailler, occuper les locaux et entraver la continuité de l’activité ou encore user de violence, de menaces ou de pressions pour contraindre d’autres salariés à participer à la grève.
Toute violation de ces règles expose les salariés concernés à des sanctions pouvant aller jusqu’à 8 000 dirhams d’amende (article 27). En cas de troubles, l’entreprise peut saisir le juge des référés pour demander l’intervention des autorités.
Impact sur la rémunération et les relations de travail
L’article 6 de la loi 97.15 précise que toute participation à une grève entraîne une suspension temporaire du contrat de travail. Concrètement, les jours de grève ne sont pas rémunérés. Par ailleurs, l’article 9 interdit aux employeurs de recruter des remplaçants externes pour pallier l’absence des grévistes.
Toutefois, les salariés grévistes ne peuvent être sanctionnés si la grève est légale (article 9). L’article 9 garantit également que les salariés en grève ne peuvent pas être licenciés ou mutés pour ce motif. Après la fin de la grève, les salariés doivent être réintégrés dans leurs fonctions, et les conventions collectives continuent de s’appliquer, sauf dispositions spécifiques.
Cependant, l’article 23 prévoit que les salariés participant à une grève illégale peuvent être considérés en absence injustifiée et faire l’objet de sanctions disciplinaires. Pour éviter toute erreur, les DRH doivent systématiquement vérifier que la grève respecte bien les procédures avant d’engager une retenue sur salaire ou une sanction.
Cas spécifiques des services publics et des entreprises privées
Dans les services publics, l’article 21 impose un service minimum obligatoire dans plusieurs secteurs essentiels, tels que les hôpitaux et établissements de santé, les transports ferroviaires, routiers, aériens et maritimes, la production et distribution d’eau, d’électricité et d’énergie ainsi que la justice et les télécommunications.
Les employeurs et les syndicats doivent désigner ensemble les salariés affectés au service minimum. En cas de désaccord, l’entreprise peut saisir le juge des référés pour trancher.
Dans les entreprises privées, les employeurs doivent respecter le droit de grève, mais peuvent organiser la continuité du travail en interne. L’article 18 interdit la fermeture d’une entreprise en raison d’une grève, sauf décision judiciaire. En outre, l’article 20 permet au Chef du gouvernement de suspendre une grève en cas de crise nationale grave ou de catastrophe naturelle.
Les DRH doivent donc s’assurer de négocier avec les syndicats en amont afin d’éviter des conflits prolongés qui pourraient nuire à l’activité de l’entreprise.
Un cadre structuré pour mieux gérer les grèves
Avec la loi 97.15, les DRH disposent désormais d’un cadre juridique précis pour encadrer le droit de grève au sein de leurs organisations. Cette réforme impose un cadre structuré permettant à la fois de mieux organiser les grèves et d’assurer la continuité des activités économiques.
Les points clés à retenir pour les DRH sont nombreux : vérifier la conformité des grèves aux procédures légales (notification, préavis, service minimum), encadrer le dialogue social pour anticiper et désamorcer les conflits, éviter toute action répressive illégale contre les grévistes et documenter les infractions en cas de blocage ou de violence pour justifier d’éventuelles poursuites.
En appliquant ces nouvelles règles, les entreprises marocaines pourront mieux gérer les tensions sociales et préserver la continuité de leurs activités, tout en respectant les droits des travailleurs.