Les années 2020 et 2021 ont été critiques en matière d’augmentations salariales. Quelle analyse faîtes-vous de la situation ?
Les salaires moyens progresseraient de 2,5% en 2021, à un rythme supérieur à celui de cette année 2020. La reprise des recrutements, après le marasme de 2020, continue à tirer les salaires à la hausse. Dans le même temps, l’inflation ralentirait de +2% en 2020. Les salaires réels devraient donc progresser de +0,5% en 2020.
Aussi, la mobilité accrue chez les jeunes cadres avec des profils recherchés favorise l’augmentation de leur rémunération. 67% des cadres ayant changé de poste, en interne ou en externe, ont reçu une augmentation lors de leur changement de poste.
Au contraire, les salariés ne possédant pas de compétences spécifiques recherchées ou ne correspondant pas aux nouvelles priorités de l’entreprise, devraient recevoir des salaires similaires à l’année dernière.
On observe donc un creusement des écarts salariaux entre les profils «ordinaires» et les profils «rares» qui se retrouvent en situation de force dans la négociation salariale. Cette gestion différenciée des rémunérations en fonction de la performance des salariés, associés au manque de volontarisme de la politique salariale sur les bas salaires, tend à renforcer la polarisation du marché du travail.
Ont-elles prévu de le faire en 2022 ?
Les enquêtes des pratiques salariales basent leurs estimations sur les budgets prévisionnels d’augmentations générales et individuelles des entreprises du secteur privé. Selon ces dernières, les budgets pour 2022 ne devraient pas vraiment différer de ceux de cette année : les augmentations moyennes seraient comprises entre +2,1% et +2,5%, soit des enveloppes budgétaires très comparables à celles de 2021.
Les secteurs qui devraient distribuer les plus fortes augmentations sont l’informatique, le digital/technologie et le marketing.
Les entreprises devraient distribuer des augmentations moyennes comparables à celles de cette année, bien qu’opérant dans un contexte à la fois de chômage plus bas et de marché de l’emploi toujours en tension. On observe de fortes disparités entre les enveloppes collectives restreintes, attribuées à la majorité des travailleurs, et les enveloppes individuelles destinées à certains profils aux compétences convoitées, dont les montants explosent.
Dans tous les cas, l’évolution des salaires dépendra de l’état du dialogue social dans les entreprises mais aussi de la résistance de l’économie marocaine et de la poursuite de la baisse du chômage.
Dans de telles circonstances, si les entreprises envisageaient des augmentations salariales, celles-ci peuvent-elles se faire de manière générale ou individuelle ?
Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à privilégier les augmentations individuelles aux augmentations collectives. Ces augmentations individuelles, qui permettent d’attirer ou de fidéliser les profils rares et les « talents », peuvent aller jusqu’à 20% ou 30%, notamment pour des fonctions spécifiques dans le digital, la data, la cyber-sécurité et l’intelligence artificielle. Ces revalorisations individuelles sont octroyées de façon assez sélective : « cette sélectivité s’appuie sur des systèmes d’appréciation de la performance de plus en plus développés et ancrés dans la culture de l’entreprise ».