Menée par PwC auprès de 4 400 dirigeants dont près de 50 CEO au Maroc, et ce dans le cadre de la 26ème édition du Global CEO Survey, cette enquête, présentée lundi 3 avril à Casablanca, souligne qu’en matière de confiance, 73% des dirigeants se montrent confiants vis-à-vis des perspectives de croissance de leur entreprise, et ce malgré les très faibles niveaux de confiance dans l’économie mondiale (20%) et marocaine (29%). S’agissant du climat, 24% des dirigeants marocains se considèrent comme très exposés aux risques liés au changement climatique. Cette prise de conscience relative se traduit par un nombre d’initiatives limité en matière de réduction des émissions. En ce qui concerne la transformation, 44% des dirigeants estiment que leur entreprise ne sera pas viable dans dix ans si elle n’opère pas de transformation. Le capital humain, l’efficience opérationnelle et le déploiement technologique en constituent les axes prioritaires. Par contre, seuls 13% des dirigeants marocains estiment être très exposés au risque cyber. Le risque de cybercriminalité représente pourtant près de 1 000 Md$ (+50% en 2 ans), selon l’enquête.
En revanche, et d’après la même enquête, les dirigeants marocains, à l’instar de leurs confrères partout dans le monde, témoignent d’un pessimisme important. Cet état d’esprit est même plus marqué qu’auprès de l’ensemble des dirigeants mondiaux : au Maroc, 80% pensent que la croissance économique mondiale va ralentir, contre 73% dans le monde. On observe aussi un plus faible attentisme au Maroc qu’ailleurs, puisque seulement 4% des dirigeants penchent pour une croissance stable à 12 mois (contre 8% dans le monde). Enfin, très peu parient sur une accélération de la croissance (16% au Maroc contre 18% dans le monde). Interrogés sur les perspectives économiques du Maroc à 12 mois, les dirigeants marocains sont toujours pessimistes puisqu’ils sont 71% à envisager un ralentissement de la croissance, ce qui représente un véritable changement de perception par rapport à l’année précédente. En effet, près de 89% des PDG au Maghreb misaient sur une augmentation de la croissance, contre seulement 32% cette année au Maghreb et 20% au Maroc.
Dans ce sens, le Territory Managing Partner de PwC au Maroc, Réda Loumany, précise que « les crises récurrentes sont aujourd’hui saisies par nos dirigeant(e)s comme des accélérateurs de changement et de transformation de leur entreprise. De même que les facteurs plus structurels, notamment le changement climatique, sont à appréhender dans une approche plus globale de développement durable et représentent autant un défi que des opportunités de croissance pour notre économie nationale. Tout cela s’intègre parfaitement avec les réformes entreprises dans le cadre de la mise en œuvre du Nouveau Modèle de Développement du Royaume ».
La viabilité à long terme passe par une transformation de l’entreprise
À l’échelle mondiale, près de 40 % des dirigeants, contre 44 % des dirigeants au Maroc, sont conscients que leur entreprise ne sera économiquement pas viable dans une décennie si elle conserve son mode de fonctionnement actuel. En effet, les chefs d’entreprises sont confrontés à des défis à plus long terme, impactant directement la rentabilité de leurs organisations.
S’agissant des éléments pouvant impacter la rentabilité de leur entreprise à l’avenir, 67% des dirigeants ont exprimé en premier lieu l’évolution de la demande et des préférences des consommateurs ainsi que les évolutions réglementaires comme principaux éléments qui impacteront la rentabilité de leur entreprise au cours des 10 prochaines années. C’est 14 points de plus que la moyenne des dirigeants dans le monde.
« Nous sommes entrés dans une nouvelle temporalité où se conjuguent un décrochage du niveau de confiance des dirigeants dans l’économie mondiale et marocaine et une confiance persistante dans la capacité de leurs entreprises à croître dans ce même contexte. La pandémie mondiale avait fait office de “stress-test” pour les entreprises et avait précipité la mise en place de grands chantiers de transformation. Les entreprises doivent désormais accélérer cette dynamique de transformation pour continuer à croître en période de turbulence économique », souligne Jonathan Le Henry, Associé Strategy, PwC au Maroc.
Oui à la réduction des coûts, mais garder l’humain à l’abri de cette transformation !
Les chefs d’entreprise, en réaction au climat économique actuel, cherchent naturellement à réduire les coûts et à stimuler la croissance des revenus. Ainsi, 56 % des dirigeants au Maroc (contre 52% dans le monde) déclarent réduire leurs coûts d’exploitation, tandis que 47 % augmentent les prix et 49 % diversifient leurs offres de produits et services. Cependant, les deux tiers (67%) disent qu’ils ne prévoient aucune réduction de leurs effectifs au cours des 12 prochains mois. Outre cela, 89% des dirigeants interrogés ont indiqué qu’ils n’envisagent pas de réduire les rémunérations afin de retenir les talents et d’atténuer les taux d’attrition de la main-d’œuvre.
En vue de maintenir leurs entreprises viables à court et à long terme, les répondants affirment qu’ils doivent également investir dans leurs programmes de transformation des ressources humaines et technologiques. En effet, ils parient en premier lieu sur la montée en compétences de leurs collaborateurs (71 %), l’automatisation des processus (67 %) et le déploiement technologique (Cloud, AI et autres technologies émergentes) (53 %).
Risques climatiques sur les entreprises : une prise de conscience relativement faible
Bien conscients de l’importance du sujet au niveau national (stress hydrique, coût de la facture énergétique…), les dirigeants marocains se sentent toutefois moins concernés au niveau de l’impact sur leur entreprise à court terme. En effet, seuls 24% des dirigeants marocains considèrent que leur entreprise est menacée par les changements climatiques sur les 12 prochains mois.
Bien que 58% considèrent que la transition énergétique est un élément important à prendre en compte à l’avenir, 29% affirment avoir déjà mis en œuvre des initiatives visant à réduire les émissions GES de leur entreprise, tandis que 20% envisagent ces mesures à court ou moyen terme. Par ailleurs, 36% des CEO affirment avoir pris des mesures pour adopter de nouveaux produits et processus respectueux du climat. Dans la mesure où ils considèrent que le changement climatique a un impact limité sur leurs actifs physiques, les PDG prennent moins de mesures sur ce volet. Près de la moitié d’entre eux n’envisage pas d’initiatives visant à protéger leurs actifs physiques et leur personnel des impacts du risque climatique.
À cet égard, Assia Benhida, Associée PwC au Maroc, ESG Leader Maghreb explique qu’« au-delà des risques liés aux changements climatiques et environnementaux qui doivent être appréhendés de manière concrète, et à court terme par les entreprises, les enjeux de développement durable, dits “ESG” (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) sont un sujet majeur à intégrer dans les stratégies d’entreprises. C’est une exigence “must have”, à tous les niveaux, qui répond à une attente forte des parties prenantes de l’entreprise (actionnaires, investisseurs, clients, salariés…)».
Les dirigeants au cœur du changement de modèle
À l’échelle mondiale, les dirigeants ont bien pris conscience de la nécessité de collaborer avec un large éventail d’intervenants pour maintenir la confiance et obtenir des résultats durables. Les entreprises s’associent davantage à des entités non commerciales pour aborder le développement durable (54 %), la diversité, l’équité et l’inclusion (49 %), et l’éducation (49 %).
Afin de relever les nombreux défis actuels et futurs, les dirigeants au Maroc sont en train d’explorer la voie des collaborations au-delà des frontières. Ils nouent principalement des partenariats avec les administrations publiques (31%) suivi des consortiums industriels (20%), des entrepreneurs ou start-ups, des établissements académiques, ou encore des organisations non gouvernementales (ONG). Encore, la coopération avec des entreprises concurrentes, aussi appelée la coopétition, est l’une des pistes de collaboration explorées par 13% des chefs d’entreprises au Maroc, en comparaison avec un taux de 25% en Europe et 26% au niveau mondial
Outre cela, 84 % des dirigeants marocains perçoivent un alignement entre les valeurs de l’entreprise et le comportement des collaborateurs. Ils ont conscience dans une très large mesure que les valeurs et la quête de sens deviennent des préoccupations majeures chez les salariés. Ces derniers choisissent de rejoindre une entreprise, puis d’y rester, s’ils/elles se retrouvent dans ses valeurs. En parallèle, seuls 9 % des dirigeants prennent des décisions stratégiques pour leur compte ou leur division sans qu’il n’y ait de consultation des collaborateurs.
In fine, le dirigeant est au cœur des transformations que l’entreprise, et plus largement la société, doivent initier pour relever les défis d’un avenir qui s’annonce complexe. Le dirigeant doit regarder vers l’avenir avec confiance sans éluder les difficultés à surmonter. Donner du sens et transformer durablement l’entreprise sera plus que jamais le défi collectif pour les années à venir, conclut l’enquête.