Pour comprendre la place centrale de l’entretien annuel, pourriez-vous nous décrire la manière dont vous organisez ce processus, notamment dans un contexte de près de 950 collaborateurs et 18 sites ? Comment garantissez-vous que chaque collaborateur bénéficie du temps nécessaire pour cette évaluation personnalisée ?
Imad BOUZZROUD : Au sein de Decathlon Maroc, l’entretien annuel d’activité est un moment clé du cycle RH. Chaque collaborateur, sans exception, y a droit, quelle que soit son ancienneté ou la nature de son contrat. Cette universalité du dispositif est un élément fondateur de notre culture interne. Pour couvrir efficacement nos 950 collaborateurs, répartis sur 18 sites, nous mettons en place un pilotage rigoureux : un calendrier est fixé et des tableaux de bord suivent en temps réel l’avancement des entretiens. Les managers disposent d’une formation et d’outils clairs, afin de préparer ces échanges dans les meilleures conditions. L’objectif est de garantir que chaque collaborateur bénéficie d’un temps d’écoute et de dialogue privilégié avec son leader direct.
Concrètement, l’entretien annuel se déroule souvent entre décembre et janvier. Durant cette période, chaque manager planifie les rendez-vous avec ses équipes, qu’il s’agisse d’un vendeur sportif en magasin, d’un responsable logistique ou encore d’un expert basé dans nos bureaux. Pour nous assurer de la qualité et de la complétude du dispositif, nous vérifions systématiquement que 100 % des entretiens ont été réalisés. De plus, une enquête de satisfaction est envoyée par la suite, afin de confirmer que ce temps d’échange a été vécu positivement et que chacun s’est senti compris et accompagné.
Quelle est la différence entre ces rendez-vous réguliers et l’entretien annuel ? Comment ces deux approches se complètent-elles pour optimiser le développement de vos équipes ?
Imad BOUZZROUD : Chez Decathlon, nous tenons à accompagner nos collaborateurs de manière continue, et cela se traduit par deux types de rendez-vous complémentaires. Tout d’abord, il y a les “one-to-one” mensuels, qui ont lieu toutes les quatre semaines entre le collaborateur et son manager direct. Ce moment régulier permet d’aborder les réalisations récentes, les éventuels blocages, et de réajuster rapidement les objectifs à court terme. Ce dialogue permanent inscrit le collaborateur dans une dynamique de progression continue, où l’écoute, le feedback et l’amélioration forment un cycle vertueux. Le “one-to-one” est ainsi un outil réactif, axé sur le quotidien et le court terme.
L’entretien annuel d’activité, quant à lui, se déroule en fin d’année et prend une dimension plus stratégique. Il ne s’agit plus uniquement d’ajustements ponctuels, mais d’un bilan global de l’année écoulée, couplé à la définition d’objectifs clairs pour l’année à venir. Cet entretien sert de récapitulatif, permettant de mettre en perspective les nombreux “one-to-one” déjà réalisés. Il introduit également une réflexion plus approfondie sur le plan de développement du collaborateur, ses compétences métier, ses soft skills et son évolution de carrière. En résumé, le mensuel ajuste la trajectoire, tandis que l’annuel la redéfinit et en fixe les grandes lignes.
Sur quels critères repose l’évaluation réalisée lors de l’entretien annuel ?
Imad BOUZZROUD : L’entretien annuel chez Decathlon Maroc s’appuie sur le même trame d’évaluation que dans le reste du monde où le groupe est présent, adaptant ainsi un cadre international à nos réalités locales. Dès le début de l’année, le collaborateur connaît les critères qui serviront de référentiel pour son évaluation finale. Ces critères intègrent plusieurs dimensions : tout d’abord, les KPI opérationnels, qui mesurent les performances concrètes réalisées dans le cadre de la mission. Il peut s’agir, par exemple, du chiffre d’affaires d’un rayon, du taux de disponibilité des produits ou encore du respect des objectifs logistiques. Ensuite, nous évaluons les compétences métier, c’est-à-dire le niveau d’expertise atteint dans le poste occupé. Un directeur de magasin, par exemple, devra démontrer sa capacité à élaborer une politique commerciale, à gérer son équipe et à adapter sa stratégie aux besoins de sa clientèle locale. Enfin, nous portons une attention particulière aux soft skills, c’est-à-dire aux qualités humaines, relationnelles et comportementales. Le leadership, la communication, la capacité d’adaptation, le sens du collectif ou encore l’agilité face au changement sont autant de points clés. La transparence est assurée par un échange constant : le collaborateur prépare sa propre évaluation, le manager apporte sa vision, puis les deux parties se mettent d’accord. Ce dialogue permet de garantir une équité et une justesse dans la notation, évitant ainsi toute décision unilatérale.
Pourriez-vous détailler le lien entre performance, évaluation et évolution salariale, ainsi que le processus de validation finale de ces décisions ?
Imad BOUZZROUD : L’entretien annuel d’activité représente chez Decathlon un moment propice pour aborder sereinement la question de la rémunération. Nous avons choisi une approche transparente et responsabilisante : sur la base de l’évaluation réalisée, le collaborateur est invité à formuler une proposition d’augmentation, en fonction d’une grille préétablie. Cette grille prend en compte la performance annuelle (qualifiée selon une échelle allant de A à D, par exemple), le niveau d’expertise atteint dans le métier et la contribution globale au sein de l’équipe.
Ainsi, un collaborateur qui a obtenu d’excellents résultats individuels, même si son entité traverse une période difficile, pourra voir ses efforts reconnus. Le manager joue ici un rôle d’intermédiaire : il discute avec le collaborateur, évalue la cohérence de sa demande d’augmentation par rapport aux règles internes, puis défend la proposition auprès de la Direction des Ressources Humaines. Ensuite, une “revue annuelle de carrière” est organisée, où le DRH analyse, en compagnie du manager, l’ensemble des demandes et décisions. Cette validation finale permet de maintenir l’équité, tout en respectant l’enveloppe budgétaire globale. Ainsi, la rémunération est un levier de reconnaissance et de fidélisation, aligné avec les performances individuelles, le niveau de compétence et les priorités globales de l’entreprise.
Avec 18 magasins et un nombre croissant de collaborateurs, la technologie n’est-elle pas un atout pour faciliter la gestion et le suivi des entretiens ?
Imad BOUZZROUD : La technologie joue un rôle de soutien logistique, mais chez Decathlon, nous insistons sur le fait que les décisions restent profondément humaines. Les entretiens annuels concernent des hommes et des femmes, avec leurs parcours, leurs aspirations et leur contexte de travail. Nous utilisons des outils numériques avant tout pour centraliser les informations, suivre l’avancement des entretiens et assurer une traçabilité. Des tableaux de bord internes aident à vérifier que chaque collaborateur a bien eu son entretien, et à consolider les données nécessaires pour la “revue annuelle de carrière”.
Cependant, l’évaluation, la discussion sur la rémunération, la compréhension des forces et des axes de progrès restent des processus d’interaction humaine. Le manager doit écouter, comprendre les ressentis, détecter les signaux faibles. Une plateforme ne peut pas remplacer la capacité d’empathie ou la finesse d’analyse d’un leader.
L’entretien annuel ne se limite pas au bilan de l’année écoulée. Comment s’intègre-t-il dans une démarche plus large de développement des compétences, de mise en place de plans de formation et de préparation de l’avenir professionnel du collaborateur ?
Imad BOUZZROUD : Pour Decathlon, l’entretien annuel d’activité est à la fois un regard sur le passé et un tremplin vers l’avenir. Après avoir évalué les performances et mesuré le niveau de compétence, nous consacrons une partie de l’échange à l’identification des axes de développement. Le collaborateur et le manager définissent ensemble un plan de développement individuel pour l’année à venir. Ce plan comprend des formations techniques, des modules en soft skills, des expériences sur le terrain ou des missions transverses, destinées à élargir les horizons professionnels.
Nous considérons ce temps comme un véritable lancement individuel de l’année suivante. Il fixe des objectifs clairs, des critères de réussite, et permet d’anticiper les besoins en formation. Contrairement à une logique figée, notre processus est suffisamment flexible pour évoluer au cours de l’année. Les “one-to-one” mensuels servent alors de points de contrôle : on vérifie la progression, on ajuste si nécessaire.