Bien des noms ont été donnés à la hustle culture : culture du burnout, productivité toxique, ou encore, comme nous l’avons précédemment dit, culture de l’agitation. Et en entendant ces noms, liés au domaine du travail, l’esprit, peut-être inconsciemment, dirige tout de suite son doigt vers les dirigeants d’entreprise et les cadres d’administration qui abusent de leurs salariés en les faisant travailler outre-mesure. Bref, des cultures d’entreprise menant sans faute au burnout, pour ne citer que cela, et génératrices à n’en plus finir de plaintes devant les Inspections du Travail et les Tribunaux. Mais ce n’est pas ça du tout… La hustle culture est une culture qui n’est pas imposée, elle est –et c’est étrange- choisie, et fièrement assumée. Les hustlers se vantent de ce qu’ils sont.
Mais que sont-ils ?
Ce sont d’insatiables travailleurs. Ils vouent quasiment tout leur temps éveillé à travailler et ils essaient de dormir le strict minimum, allant même jusqu’à haïr le besoin de dormir. Pour eux, l’objectif de l’existence est de bosser, toujours plus, intensément, passionnément… Travailler, travailler, travailler, pour eux, seul cela importe. Les « maîtres » de ce mouvement ont même ce qui semble être une philosophie : le respect s’acquiert en se surmenant et en utilisant chaque instant de son existence à réaliser des choses productives. Aussi arguent-il que l’efficacité est tributaire de la capacité de tout un chacun à être le plus overbooké possible. Si on traduit cette philosophie dans le langage commun, cela donne que ceux qui ne se surmènent pas et ne sont pas productifs, durant tout le temps qu’ils peuvent l’être, ne sont pas… dignes de respect ! Et cela donne également que ceux qui ne se donnent pas à fond ne peuvent pas prétendre à l’efficacité. Enfin… Peut-être parlent-ils seulement d’eux-mêmes. Peut-être ces « équations » qu’ils dévoilent ne les concernent qu’eux. Peut-être, en effet, que ces (nombreux) individus ne se sentent dignes de respect qu’à cette condition-ci et peut-être ne sont-ils efficaces qu’à cette autre condition-là. Bien que… beaucoup à dire !
Hustle Culture égale choix de vie. Oui, mais…
Bien entendu, c’est un choix de vie. Et nul n’est en droit d’interdire ce genre de philosophie prônant l’ultra performance. C’est leur affaire, s’ils ne respectent pas leurs pairs qui font le choix de vivre « sainement » (c’est car ce genre de terme devient fragile qu’il est impossible de ne pas discuter de cette culture). C’est aussi leur affaire de penser qu’on ne peut être efficace sans suer sang et eau. Mais il y a bien un mais. Et peut-être même plusieurs : Primo, les hustlers échangent trop au sujet de la hustle culture et se vantent de leurs prouesses dans les réseaux sociaux et les blogs. Ce qui, bien-sûr, pourrait attirer entre leurs griffes de supercool travailleurs bien des gens à qui ce genre de culture nuirait (épuisement, burnout, hyper connectivité, problèmes familiaux ou sociaux…) ; les gens qui cherchent la différence, notamment… Secundo, ce genre de culture pourrait donner des idées à des dirigeants d’entreprise, question recrutement. Ce serait de bonne guerre, oui. Quelqu’un qui travaille plus –beaucoup plus- semble avoir droit à être préféré aux autres candidats. Mais supposons que certaines entreprises ne se mettent plus en quête que de hustlers… combien de non-hustlers se prétendraient-ils l’être ?
Parallèlement…
On n’entend parler que des hustlers dévoilant leurs travaux herculéens, leurs nuits blanches ou leurs très rares heures de sommeil, montrant à quel point ils sont harassés (donc ce n’est pas sain) mais qu’ils n’abandonnent pas ce combat digne d’un Don Quichotte des temps modernes, on les voit prendre en photo des dizaines de gobelets de café et manger à la va-vite n’importe quoi, mais ce qu’on ne voit pas, c’est cela qui serait réellement utile et en dirait long sur ce mouvement portant le masque de la bonhommie, de la fierté et de l’énergie : combien ont craqué et comment ont-ils craqué ? Quelle(s) gravité (s) ? Les risques de la dépendance au travail sont, médicalement seulement, très nombreux et incluent stress, addictions, fibrillation auriculaire, hypertension artérielle, dépression, anxiété, maladies cardiovasculaires… Et nous en passons.
Tout le monde sera d’accord : ce sont les seules questions qui comptent. Et les réponses semblent évidentes.