Toute stratégie, tous secteurs confondus et quel que soit son objectif, ne peut être qualifiée de réussie que si elle touche la totalité de sa cible préalablement définie. Imaginons ensemble qu’un DRH qui déploie des actions mûrement réfléchies pour renforcer sa marque employeur, y investit en temps et en argent, mais n’adresserait ces actions qu’à une partie des personnes concernées. Ce serait du gâchis, non ? Une question rhétorique à laquelle nous répondrons tous par l’affirmative, pourtant, de telles pratiques ne sont pas rares de la part des DRH qui, probablement inconscients des répercussions, continuent d’éliminer, intentionnellement ou non, une bonne partie de leurs cibles.
Marque employeur et communication de recrutement : la persistante confusion
Certes la marque employeur est indissociable du recrutement, d’une manière ou d’une autre, et cela est d’ailleurs ancré dans l’esprit de la majorité écrasante des dirigeants comme des DRH. En fait, lorsqu’une entreprise se lance dans une campagne de communication à destination de certains talents et profils, le travail effectué en amont sur la marque employeur se reflète généralement à travers les messages, l’aspect visuel, la tonalité de ladite campagne, mais ce n’est vrai que s’il y a eu effectivement un travail solide de marketing RH sur la marque employeur.
Si l’on remonte un peu dans l’Histoire, il y a environ deux décennies, la tendance était que les entreprises commencent à communiquer sur leurs qualités d’employeur auprès des talents qu’elles souhaitaient recruter. Très rapidement, cette pratique a pu s’infiltrer dans la liste des stratégies de marque employeur, alors qu’en vérité, il ne s’agissait que d’une communication de recrutement.
Donnons l’exemple ici d’un constructeur de téléphones portables, est-ce qu’il serait concevable de dire qu’il pourrait confondre ses produits avec le canal de communication via lequel il en assure la promotion ? Bien sûr que non ! Cette mauvaise confusion entre communication RH et marketing RH a été entretenue par les agences de communication spécialisées durant de nombreuses années, et perdure dans l’esprit de nombreux acteurs de l’écosystème RH.
En effet, limiter sa marque employeur et l’associer exclusivement au recrutement, c’est, d’une manière ou d’une autre, renoncer à disposer d’une marque employeur au sens littéral du terme, pour ne se contenter que d’une marque recruteur, éphémère dans la meilleure des situations. D’un point de vue linguistique, notre concept est bel et bien la marque employeur, dont le deuxième mot signifie l’existence d’employés. Cela implique que ces ‘’employés’’ font partie intégrante de cette ‘’marque’’. Cette dernière est censée s’adresser à eux, les collaborateurs. Preuve en est la considérable hausse du turnover dont souffrent plusieurs entreprises de divers secteurs. Là encore, une question se pose : ne serait-il pas plus facile fidéliser ses talents que d’aller en chercher d’autres afin de combler le manque laissés par les premiers ?
Or, la première erreur fatale que commettent certains DRH n’est rien que s’adresser aux candidats en délaissant les collaborateurs. Si l’on y pense, de manière rationnelle, sans même que l’on soit doté de compétences RH, on se rendra compte que les candidats, à qui on accorde une énorme importance, ne seront, dans les meilleurs des cas, que de futurs collaborateurs au sein de l’entreprise. Des collaborateurs, on en a déjà ! Raison pour laquelle il serait plus judicieux de s’intéresser plus à ce dont on dispose au lieu d’aller à la chasse aux inconnus. Cette pratique est une source de manque de cohérence entre le discours prononcé en externe et la réalité vécue au quotidien par les collaborateurs ce qui engendre l’impossibilité de faire de ses équipe des ambassadeurs de la marque employeur, ce qui, à son tour, accroît le risque de mauvaise réputation ‘’employeur’’ circulée sur les réseaux sociaux et de manque de crédibilité de la marque employeur.
Heureusement, les quelques dernières années ont vu naître une certaine prise de conscience des DRH sur la nécessité de s’investir, quant au renforcement de le marque employeur, aussi bien à l’externe, soient les candidats, qu’à l’interne, soient les collaborateurs. Car oui, la véracité des promesses par exemple que toute entreprise pourrait donner pour faire briller la marque employeur, n’est vérifiable que pendant l’expérience collaborateur, d’où le lien étroit entre les deux catégories et d’où la nécessité de s’y intéresser à parts égales.
Un collaborateur n’est pas forcément un salarié : impliquez tout le monde !
Pour toute entreprise, la marque employeur est étroitement liée à plusieurs paramètres sociaux, économiques, ou autres. Le contexte professionnel d’aujourd’hui est très différent de celui d’il y a cinq ou dix ans, ce qui nécessite, de la part des DRH, un effort d’adaptation. La transformation digitale, à titre d’exemple, et c’est d’ailleurs le paramètre qui a apporté le plus de bouleversements sur le marché du travail de nos jours, a donné naissance à de différents modes de travail, divers nouveaux métiers et encore d’autres façons de percevoir l’activité professionnelle. Même bien avant, il y a eu, dans les années 90, une transformation du rapport au travail, et ce à travers la disparition progressive de la relation classique employé-employeur, régie par un contrat de travail qui était, dans la plupart des cas, un engagement de toute une vie.
En fait, à l’aube du troisième millénaire ont commencé à émerger de nouveaux statuts professionnels, tels que les indépendants ou encore les freelancers, qui exerçaient des métiers qui avaient toujours été détenus par des salariés. Petit à petit, l’idée s’est largement répandue et certains talents, notamment du secteur des nouvelles technologies, y ont recouru afin d’être libres dans le choix des projets sur lesquels ils vont travailler et de ne plus rester prisonniers d’un système hiérarchique par excellence.
Ensuite se sont développés d’autres types de contrats, à savoir les CDD, créant ainsi deux populations bien distinctes de collaborateurs au service de l’entreprise. D’une part les salariés en CDI, mieux protégés par le droit du travail et soucieux de préserver cet avantage et, de l’autre part, les personnes en CDD, prestataires, consultants, freelance, ou encore intérimaires.
Cette évolution a donné naissance à une situation inhabituelle pour les DRH. Désormais, ils n’ont plus la main sur une grande partie des ressources réelles de l’entreprise. Car oui, ces collaborateurs externes, bien qu’ils contribuent fortement à la valeur ajoutée d’une organisation, n’entrent pas techniquement dans le champ du DRH. Et donc, une autre question s’est spontanément posée : comment déployer vers cette nouvelle catégorie les actions de marque employeurs afin de les fidéliser, de faire perdurer la collaboration, et de leur confier, eux aussi, la tâche d’ambassadeurs de l’entreprise ?
Freelances, CDD, prestataires… la nouvelle cible de la marque employeur
Le statut de freelance gagne de plus en plus de terrain sur la scène professionnelle, partout dans le monde. Les chiffres en sont preuves car le taux de présence de ce statut atteint les 34% aux États-Unis, entre 20 et 24% dans certains pays de l’Europe de l’Est et un peu en dessous des 15% au Maroc, en Tunisie et en Égypte. Ces freelances, caractérisés par leur grande flexibilité, deviennent de plus en plus recherchés sur un marché de l’emploi tendu. Outre cela, leur tendance actuelle est de travailler en mode projet, ce qui offre à l’entreprise toute l’agilité souhaitée pour engager des projets ponctuels sans être liées par les contraintes d’un CDI.
Cela dit, et afin de créer cette perception favorable et positive de la marque employeur de l’entreprise au sein de cette communauté, il serait plus efficace de les traiter sur un pied d’égalité avec les autres collaborateurs. Pour y parvenir, il faudrait commencer par leur offrir un service RH de qualité.
En outre, d’autres sujets RH de fond, tels que la formation, sont à aborder. D’ailleurs, de nombreuses entreprises ont compris cet enjeu et, selon une étude française, 49% des entreprises employant des freelances les forment durant leur mission et 59% des organisations évaluent leurs freelances sur les mêmes critères que leurs salariés. Par conséquent, se sentir évalué sur son apport à un projet, indépendamment de son statut de freelance, a un caractère motivant et engageant qui contribuera considérablement à l’embellissement de la perception de la marque employeur chez ce collaborateur externe.
In fine, la convivialité, la tonalité des échanges entre les personnes, demeurent, qu’on le veuille ou non, des éléments informels très importants d’une culture d’entreprise et très décisifs quant à la force de sa marque employeur. Internes ou externes, tous les collaborateurs ne peuvent être liés uniquement par ce qui relève du purement professionnels mais, une forte marque employeur puise sa force également dans tout un capital immatériel de valeurs, qui se sentent et se vivent au quotidien.