Crise sanitaire, révolution numérique, urgence climatique, défis sociétaux… les mondes de l’entreprise, de l’entrepreneuriat et de l’enseignement affrontent des défis majeurs relatifs à leur capacité d’évoluer et de s’adapter. Repenser le métier d’ingénieur est le clé de la réussite de ce changement, selon l’ouvrage co-écrit par Abdellatif Miraoui, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation du Maroc, par ailleurs ex-président de l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, docteur en sciences de l’ingénieur et professeur universitaire et son collègue M’hamed Drissi, Directeur général par intérim à l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Rennes.
D’imminents penseurs et chercheurs ont contribué à la réalisation de cet ouvrage de quarante pages intitulé « Société en métamorphose, de quelles ingérnieur.e.s a-t-on besoin ? » à l’instar de Edgard Morin et de Jacques Attali. Il propose une ouverture sur ce qui pourrait être l’ingérieur.e 5.0 dans le contexte de grandes transition et de recomposition du monde. Abdellatif Miraoui et M’hamed Drissi ont fait le choix de l’écriture inclusive pour le terme ingénieur.e, « afin de ne pas reproduire les stéréotypes qui pèsent sur cette fonction », peut-on lire d’emblée. Ils précisent par ailleurs que la notion 5.0 ne fait pas référence uniquement au numérique, mais également « au modèle d’école qui englobe une vision beaucoup plus large, une rupture, un état d’esprit ». Le ton est donné dès les premières pages.
De l’importance des sciences humaines
L’importance de l’enseignement des sciences humaines revient explicitement tout au long de l’ouvrage. Le premier chapitre, intitulé « sortir du grand paradoxe », regrette le fait que les ingénieurs d’aujourd’hui soient si peu formés pour penser la société, en raison du manque d’importance accordé à l’enseignement des sciences humaines dans les cycles de formation. Abdellatif Miraoui et M’hamed Drissi expliquent cela par une dichotomie entre l’humain et le technique qui s’est installée notamment en Europe depuis le 17ème siècle. « L’ingénieur.e de demain doit être, comme le concevait Gaston Berger, fondateur du modèle INSA, un philosophe en action » rappellent-ils. Et d’ajouter que « dans notre société contemporaine, ce courant de pensée par lequel « on suppose que le changement technique est un facteur indépendant de la société » n’a plus de place dans nos schémas » insistent-ils, d’où la nécessité de sortir de la dichotomie précédemment évoquée pour relever les défis qui s’imposent à nous.
Le second chapitre, « une société en transitions », vient justement mettre l’accent sur l’importance de doter les ingénieur.e.s des clés de compréhension économique et sociétale pour naviguer dans ce nouveau contexte, « et de compétences transversales pour dialoguer avec les différents métiers de l’entreprise, travailler en équipes multiculturelles et internationales, montrer au quotidien de l’agilité et faire preuve d’adaptation dans un environnement mouvant ». Pourquoi cela ? La révolution dans le management, le passage à l’industrie 4.0, les enjeux écologiques et environnementaux, la transformation des besoins et de la mentalité des étudiants et des chercheurs d’emploi… autant de défis qui placent les ingérieur.e.s en première ligne. Comme ils sont naturellement appelés à occuper des postes de cadres et de dirigeants, ils endossent de facto le rôle d’acteurs principaux de cette transition. « Au-delà des compétences techniques, ce sont les power skills qui seront demain décisives dans les parcours des leadeurs » insistent les co-auteurs.
Adaptation face à l’hybridation
Le monde dans lequel nous vivons est plus hybride que jamais, peut-on lire dans le troisième chapitre, « hybrider ». L’ingénieur hybride, formé à différentes disciplines des sciences de l’ingénierie, aux Sciences Humaines et Sociales, à l’écologie et aux sciences politiques, « a l’agilité nécessaire pour dialoguer avec son environnement, s’adapter à des situations inédites, faire face à la complexité et gérer l’incertain. Il nous aide à nous projeter dans un monde à inventer ». Abdellatif Miraoui et M’hamed Drissi rappellent cependant que les enseignements intégrés trop tardivement dans les cursus « ne sont que coloration ». Et d’expliquer « L’hybridation ne peut fonctionner que si elle est profonde, engagée très en amont, dès le début du cursus d’ingénieur.e. L’une nourrit l’autre, l’une fait progresser l’autre, et l’ensemble, afin que nous puissions assister à la métamorphose attendue ».
Enfin, le quatrième et dernier chapitre intitulé « l’école d’ingénieurs 5.0 » fournit des éléments clé pour mettre les étudiants en capacité d’agir, de faire et de s’engager. Sont évoqués dans ce chapitre : la nécessité de valoriser les formations doctorantes et de créer des ponts entre la recherche et l’entrepreneuriat, l’obligation de continuer à numériser les campus universitaires, et surtout, l’importance de l’enseignement des power skills que ce soit durant les cours ou à travers les activités culturelles, artistiques, associatives et sportives.
En résumé, l Abdellatif Miraoui et M’hamed Drissi appellent à former dès aujourd’hui des ingénieur.e.s 5.0 « à fortes responsabilités sociales grâce à une formation hybride intégrant Sciences fondamentales et Sciences Humaines et Sociales », formés à la recherche et à l’innovation, dotés de vision 360°, familiers avec le développement durable, ayant une parfaite maitrise des sciences fondamentales et disposant d’importants power skills.