L’Espagne a été l’un des premiers pays (de l’UE) à tenter de développer un cadre juridique pour réglementer le travail des plateformes. La Cour suprême espagnole a rendu une décision en septembre 2020 selon laquelle les chauffeurs de l’application Glovo ont droit à un statut d’employé. Cela concerne principalement le personnel de livraison pour les plateformes numériques. L’importance de ces actions est principalement due à leurs ramifications. De telles législations donneront toujours lieu à de nouvelles lois plus inclusives.
À l’heure actuelle, plusieurs pays européens comme l’Italie, les Pays-Bas et la France sont en passe de réglementer le travail sur les plateformes, à l’instar de l’Espagne et du Royaume-Uni. L’UE a généralement été un défi pour le modèle du gig economy (économie des tâches) sur lequel un grand nombre de ces plates-formes numériques sont basées. Les travailleurs sont définis comme des entrepreneurs indépendants, c’est-à-dire qu’ils ont des normes de service à appliquer mais aucune obligation de travailler ou de suivre un horaire spécifique. Ils peuvent essentiellement travailler sur la plate-forme uniquement quand ils le souhaitent.
Ce qui a fait des plateformes de travail numériques et de l’économie des petits boulots de tels pouvoirs, c’est avant tout la flexibilité qu’elles offrent au travailleur. Le modèle repose sur la capacité d’un « travailleur » à participer uniquement lorsqu’il en a besoin, même si cela n’est pas toujours durable ; gagner sa vie en tant que chauffeur ou livreur pour une application est propice au surmenage. De même, assurer les livraisons rapides, en particulier dans les centres métropolitains, nécessite un certain nombre de chauffeurs, ou de travailleurs, à être disponibles tout au long de la journée de travail. Pourtant, ces plateformes permettent à presque tout le monde de participer plus ou moins à une activité économique à côté.
La flexibilité est ici le motif central. Les plateformes numériques sont des produits de l’industrie des services technologiques et numériques, qui ont notamment introduit plusieurs marchés internationaux vers des modalités de travail flexibles et autonomes, ainsi qu’une industrie qui peut générer des profits massifs tout en diversifiant les marchés du travail internationaux. Le débat porte principalement sur cette flexibilité, confrontée à la nécessité d’offrir de meilleures conditions et un cadre juridique pour une activité professionnelle de plus en plus importante pour les Européens (actuellement, on compte plus de 24 millions de travailleurs européens actifs sur les plateformes).
Cependant, ce débat a été lancé pour créer de meilleures conditions de travail au sein des plates-formes, et assurer une rémunération et des avantages décents, sans entraver le potentiel de développement économique de ces entreprises. Sur le marché européen, on s’interroge néanmoins encore sur les défis que ces réglementations peuvent poser, pour ces modèles de travail flexibles. C’est un modèle qui ne peut être soutenu uniquement avec des travailleurs occasionnels. Pourtant, cette capacité à engager le plus de travailleurs possible pour de petites tâches a été l’une de ses principales caractéristiques.
Pour le moment, ce débat concerne principalement les travailleurs des plateformes, et leur statut juridique d’entrepreneurs indépendants (même si beaucoup ne travaillent que pour une seule plateforme, durant la majeure partie de la journée de travail). Cependant, l’implication plus large concerne la nature et le cadre juridique du travail indépendant. Il semble que les modèles flexibles, considérés comme l’avenir du travail, pourraient apporter des conditions qui entraîneraient une transformation de la définition classique du travail. L’engouement des professionnels envers l’autonomie et la flexibilité offertes par ces solutions se heurte toujours aux avantages liés à l’emploi et des questions de durabilité. Il faut quand même noter que ces débats constituent une véritable piste des futurs développements du travail.