Par définition, la gestion des talents, communément appelée talent management, est une forme de management dont l’objectif est de faire comprendre le lien fort entre le talent, soit le collaborateur disposant d’aptitudes uniques, très utiles à l’entreprise et à son évolution, et la stratégie future de l’entreprise. De ce fait, les chefs d’entreprises sont censés être en mesure de définir leurs objectifs sur le long terme, d’identifier et de motiver les profils intéressants qui se distinguent dans l’entreprise par leurs compétences uniques pour leur attribuer les tâches décisives. En fait, le talent management touche plusieurs domaines tels que le recrutement, le management de la performance, la gestion des carrières et des mobilités, le développement RH et l’anticipation des compétences.
S’agissant de la pénétration de l’intelligence artificielle du domaine du talent management, le baromètre 2021 de l’ANDRH fait état, en moyenne, de 30% d’entreprises de 300 à 5 000 collaborateurs, utilisant des logiciels dédiés. Ce chiffre atteint 62% des entreprises de + de 10 000 salariés. Ces chiffres, inférieurs à ceux enregistrés dans d’autres domaines RH, sont susceptibles d’augmenter dans les années à venir, et ceux pour diverses raisons. D’abord, les chefs d’entreprises sont de plus en plus conscients que ce domaine constitue une source de contribution importante à la performance économique de la société. Ensuite, et contrairement aux dernières années, la politique de gestion des talents n’est plus détenue par certains individus représentant le plus de potentiels mais plutôt par l’ensemble des collaborateurs. À cela vient s’ajouter le fait que le talent management suscite plus d’intérêt et fait l’objet d’un désir de formation important au sein de la fonction RH.
Or, le développement de toute technologie relative au talent management doit accompagner les transformations vécues par les RH, notamment l’intégration des données issues du Big Data et de l’IA dans ses prises de décision. Des collaborateurs qui sont désormais acteurs de leurs parcours, et une culture apprenante favorisée au sein de l’entreprise, cela fait partie des bénéfices de l’IA dans la transformation de la fonction RH. Bien plus, et d’un point de vue sociologique, l’intelligence artificielle favorise un lien social différent au sein de l’organisation et avec son environnement externe.
Concrètement, ce n’était qu’au début du troisième millénaire qu’est née la notion de ‘’talent’’, et ce en raison de la pénurie de main d’œuvre et de l’hyper-compétition qui se sont imposées aux entreprises, une période où la gestion des talents était motivée par la recherche de performance organisationnelle. De nos jours, la création d’un environnement favorable à la performance est devenue un levier dont la place est aussi importante que l’activité de détection de ces talents et, contrairement à autrefois quand les talents devaient faire la différence, les entreprises ont désormais cette responsabilité d’être la source de la mobilisation de ces talents. Cela est illustré par une considérable évolution de la politique de gestion des talents, car 52% des DRH considèrent l’ensemble des salariés comme un “talent”.
En revanche, cette politique de gestion des talents doit être adoptée avec vigilance car elle peut représenter un risque de confusion susceptible, quant à lui, d’effacer les différences et disparités qui sont, qu’on le veuille ou non, bel et bien présentes. Cela dit, procéder à un management des talents doit demeurer une pratique complémentaire à une gestion RH déjà bien instaurée.
Talent Management : domaines et évolutions
En principe, les priorités des entreprises sont très différentes suivant leur taille. Si pour les structures moyennes, dont l’effectif se situe entre 100 et 1000 collaborateurs, la priorité se penche plus sur la fidélisation, l’engagement par la mise à disposition d’un environnement propice au développement, pour les grandes structures, elles misent sur l’identification des hauts potentiels, l’accompagnement à la transformation de leurs métiers et la mise en place de plans de succession.
Le développement des compétences et la formation sont des domaines du Talent Management où l’investissement est le plus important pour les structures de taille moyenne. Le coaching, à titre d’exemple, n’est plus réservé aux individus qui nécessitent une grande montée en compétence mais il s’est démocratisé auprès d’une population plus large. En parallèle, le métavers acquiert également une résonnance de plus en plus positive dans de grandes structures. En effet, ce domaine du Talent Management est censé renforcer sa capacité à mesurer précisément ses impacts sur les collaborateurs. Car oui, l’évaluation des bénéfices de la formation par la satisfaction des collaborateurs n’est plus suffisante et il faut désormais intégrer le paramètre de durabilité. Un impact qui se mesure par la fréquence avec laquelle les termes rattachés à ce domaine s’observent dans les conversations régulières et la vente d’accompagnements aux clients.
Par ailleurs, l’évaluation de la performance fait partie des plus grands domaines du Talent Management. Durant la dernière décennie, les modalités d’évaluation ont connu une certaine stagnation, les entretiens annuels et professionnels dominent mais posent le souci du manque d’agilité dans un environnement aussi fluctuant. En sont preuve les différentes études menées à ce propos, et qui confirment que seulement 25% des sociétés ont procédé à un renouvellement de leurs démarches d’évaluation. En parallèle, et dans un sous-domaine tel que le management de la performance, la méthode des OKR (Objectives and Key Results : un système de management pour définir des objectifs, les décliner à tous les niveaux et associer des résultats clés. Ces derniers concourent à la réussite de l’objectif) s’est progressivement implantée pour répondre à trois attentes essentielles. La première est de favoriser la transparence recherchée par les individus. Les objectifs de l’organisation globale jusqu’à l’individu sont affichés au sein d’un système collaboratif. La deuxième consiste à aligner les objectifs de performance à chaque niveau de l’organisation en parlant un langage commun. Des indicateurs de mesure similaires facilitent la collaboration dans l’atteinte des objectifs. Quant à la troisième attente, il s’agit de répondre à l’incertitude par la formalisation d’objectifs à plusieurs échelles de temps et modifiables en cours d’exercice.
L’IA au service des pratiques de Talent Management
Certes la fonction RH, tout au long de l’Histoire de l’entreprise, a les outils pour gérer et maîtriser la plus grande partie de ses missions et pour relever une bonne partie des enjeux auxquels elle fait face. Toutefois, l’intégration des tendances externes à son environnement en est à ses prémices.
En fait, l’intelligence artificielle joue un rôle de veille continue en détectant les signaux externes de compétences nouvelles. Cette veille de compétences pour accroître la de compétitivité de l’entreprise se décline sous trois formes. La première consiste à anticiper et enrichir, c’est-à-dire lors du déploiement d’un certain outil de Talent Management, il est possible d’opter pour que l’intelligence artificielle alimente cette veille à partir d’observatoires métiers et d’offres de postes désirés. La deuxième forme concerne la détection et la prévention, et ce en comparant les compétences actuelles avec les facteurs d’attrition quantitatifs (départ à la retraite, démissions, mobilités, etc.). Quant à la troisième et dernière forme, elle vise à allouer et suggérer. L’IA réalise un rapprochement des compétences disponibles avec les besoins de ressources internes, ce matching prend la forme d’une talent marketplace interne. L’IA suggère les profils les plus adaptés en matière de compétences et de motivations.
En effet, les collaborateurs qui disposent désormais de visibilité sur leurs compétences et sur les chemins de carrière auxquels ils aspirent peuvent largement profiter de cette technologie. Du côté de l’entreprise, l’IA joue un rôle clé dans la fidélisation et le développement des salariés.
En parallèle, et par définition, l’expérience du collaborateur est le résultat des émotions et des perceptions ressenties dans ses interactions avec l’entreprise. De ce fait, mieux connaître ses salariés, leurs atouts, limites et motivations façonne l’individualisation des relations et de leur accompagnement. La digitalisation a permis de rendre l’information disponible en continu sous un vécu identique à son quotidien de la sphère personnelle. À l’aide de l’IA, les profils des collaborateurs et leurs appétences servent de socle pour suggérer des trajectoires métiers et des formations adaptées.
Outre cela, il serait important de citer l’apport de l’IA à la culture apprenante. Car oui, le monde professionnel d’aujourd’hui connaît une certaine inflation de contenus et de modalités de formation, ce qui présente un risque d’infobésité (abondance de l’information) pédagogique. Concrètement, les solutions de formation comportant une IA sont capables non seulement d’arbitrer et détecter le format approprié à l’objectif attendu, mais aussi aux préférences d’apprentissage de tout un chacun. Le collaborative learning, à titre d’exemple, consiste à suggérer des formations suivies par des collègues exprimant des intérêts et objectifs similaires. Les impacts positifs de la formation sont intégrés aux niveaux de compétences et de performance du collaborateur.
De surcroît, l’IA offre une dimension prospective, qui constitue un atout majeur dans la transformation de la fonction RH. L’analytique RH, née il y a une trentaine d’années, demeure pour une grande partie des organisations, au stade de descriptions statiques d’une réalité passée ou présente. En effet, les DRH de nos jours ont cette responsabilité de co-construction d’un système d’information décentralisé, alimenté de manière homogène par plusieurs sources de données. Cela dit, l’IA s’est montrée capable de détecter des signaux comme les pertes de compétences ou de révéler avec objectivité les forts potentiels.